Vers la synthèse sélective de molécules chirales

Résultats scientifiques

Des chimistes ont étudié l’action de la quinine comme catalyseur organique, abondant et peu coûteux, pour guider la transformation d’une molécule non chirale en molécule chirale de façon contrôlée. Ces résultats, parus dans la revue Chemical Science, ouvrent de nombreuses possibilités de synthèse sélective de nouvelles molécules chirales au potentiel pharmaceutique.

La synthèse sélective d’un énantiomère d’une molécule chirale* est un éternel défi que tentent de relever de nombreux chimistes. Deux énantiomères peuvent en effet présenter des propriétés drastiquement différentes : l’un peut être un médicament et l’autre un poison, ou encore l’un odorant et l’autre non etc. Mais contrôler celui qui se forme au cours d’une synthèse n’est pas aisé. Sans rien faire de particulier, on obtient généralement un mélange en proportions équivalentes des deux énantiomères. Si des techniques de séparation peuvent être mises en place, il serait bien plus aisé de ne former directement que l’énantiomère désiré. Cela nécessite de guider la chiralité à l’aide d’une source qui peut être soit un réactif, soit un catalyseur, l’avantage du catalyseur étant bien sûr qu’il est régénéré durant la réaction et récupérable en fin de synthèse.

Dans ce contexte, des chimistes du laboratoire Chimie organique, bioorganique, réactivité et analyse (COBRA, CNRS/INSA de Rouen/Université de Rouen Normandie) ont développé une stratégie qui part d’un alcool porteur d’un cycle à 6 atomes non chiral qui, lorsqu’il est exposé à la quinine, se réarrange en un cycle à 9 atomes chiral et obtenu sous la forme d’un énantiomère majoritaire. Au cours de ce processus inédit, la quinine, qui est une molécule chirale, guide la rupture et la formation des liaisons oxygène-carbone et carbone-carbone au sein même de la molécule de départ dans une séquence qui aboutit à un composé cyclique agrandi. La simplicité et disponibilité de la quinine est un atout majeur de cette stratégie. Les composés cycliques à 9 atomes obtenus sont par ailleurs des molécules très contraintes et difficiles à synthétiser. Les composés synthétisés ici de façon sélective sont stables. Ces résultats, à retrouver dans la revue Chemical Science, ouvrent de nouvelles perspectives pour étudier le potentiel en chimie médicinale de ces composés inexplorés jusqu’ici.

* En général, une molécule organique est dite chirale lorsqu’elle possède au moins un atome de carbone autour duquel l’agencement spatial des groupements qui lui sont reliés chimiquement peut produire deux structures chimiquement identiques, mais images l’une de l’autre dans un miroir : on parle d’énantiomères.

Première réaction énantiosélective d’expansion de cycles carboné à 6 atomes vers des cycles à 9 atomes guidée par la quinine. © Michaël De Paolis et David Reyes Loya

Référence

Organocatalyzed Enantio- and Diastereoselective Isomerization of Prochiral 1,3-Cyclohexanediones into Nonalactones bearing Distant Stereocenters
Antoine d’Aleman,   Oscar Gayraud,  Catherine Fressigné,   Emilie Petit,   Laetitia Bailly, Jacques Maddaluno & Michaël De Paolis
Chem. Sci. 2023
DOI https://doi.org/10.1039/D2SC06842G

Contact

Michaël De Paolis
Chercheur au laboratoire Chimie organique et bioorganique : réactivité et analyse (COBRA, CNRS/INSA de Rouen/Université de Rouen Normandie)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS