Un point sur les zéolithes avec Svetlana Mintova

Culture scientifique

Minuscules cristaux incroyablement poreux, les zéolithes se sont imposées dans de nombreuses applications industrielles, comme la catalyse pour la production d’essence et la séparation des gaz et des liquides. Dans le domaine biomédical, elles servent par exemple, à la cicatrisation de plaies, à la délivrance de médicaments ou encore d’agents antibactériens. Alors que la recherche sur le sujet continue de battre son plein, Svetlana Mintova, directrice de recherche au Laboratoire catalyse et spectrochimie (CNRS/ENSICAEN/Université de Caen Normandie), nous aide à en comprendre leurs enjeux.

Composées principalement de silicium et d’aluminium, les zéolithes sont des cristaux microscopiques marqués par une extrême porosité. Ce sont des matériaux inorganiques constitués de cavités et de pores capables de discriminer entre des espèces ayant un dixième de nanomètre de différence grâce à la sélectivité de forme de leurs pores. Elles ont trouvé grâce à cette propriété et à d’autres propriétés chimiques, de nombreuses applications, si bien que toute une filière de recherche leur est consacrée depuis plusieurs décennies. Les zéolithes de type Y servent ainsi de catalyseurs pour le craquage catalytique, qui brise de longues molécules d’hydrocarbures pour obtenir des produits organiques d’intérêt, dont l’essence de nos voitures. Les zéolithes excellent aussi dans l’absorption et la séparation des gaz, par exemple pour purifier du méthane ou extraire du CO2.

La recherche sur les zéolithes n’en est pas restée à ces applications de premier plan et continue de fourmiller. « Nous souhaitons réduire les zéolithes jusqu’à une taille nanométrique, ce qui optimiserait leur surface d’interaction avec la matière et donc leur pouvoir catalytique », explique Svetlana Mintova, dont l’équipe au LCS a synthétisé plusieurs nouvelles zéolithes au fil des ans. Elle travaille également à les stabiliser dans des films et des membranes, ce qui simplifierait les procédés industriels puisqu’il n’y aurait alors plus besoin d’extraire les matériaux poreux de leur milieu réactionnel, une fois leurs tâches accomplies.

Des applications biomédicales sont aussi développées, et demandent de concevoir des zéolithes biocompatibles. « Nous avons un projet en cours de prématuration où nous acheminons des gaz, grâce aux zéolithes, jusqu’à des glioblastomes, détaille Svetlana Mintova. Ces tumeurs apparaissent dans des zones du cerveau, pauvres en oxygène, nous voulons donc y en apporter ainsi que du CO2, qui fluidifie le sang et facilite de cette manière le transport naturel de l’oxygène. Notre partenaire, Samuel Valable de CYCERON[1], a commencé les mesures in vivo et a déposé un premier brevet. »

D’autres laboratoires tentent de leur côté de mieux orienter les propriétés et la durée de vie des zéolithes en jouant sur leur composition, comme dans le cas de celles à forte teneur en silicium dont les chimistes peuvent moduler très précisément l’hydrophobicité. Cela permet d’optimiser l’absorption des gaz en fonction de l’humidité du milieu. Certains travaux visent à substituer leurs sites actifs métalliques, en particulier ceux en platine, par des alternatives moins coûteuses.

« La recherche sur les zéolithes est confrontée à certains challenges, comme le contrôle exact de la distribution des atomes d’aluminium et/ou autres hétéroéléments et défauts de structure pour aller plus loin dans la maîtrise des propriétés du matériau, poursuit Svetlana Mintova. Les molécules organiques utilisées pour former les zéolithes doivent aussi être remplacées par des solutions moins chères ayant une meilleure empreinte environnementale. Enfin, des améliorations méthodologiques devraient permettre d’accélérer la synthèse des zéolithes. »
 

[1] Centre d’imagerie cérébrale et de recherche en neurosciences (CNRS/Université Caen Normandie).

Représentation de la structure d’une zéolithe de type FAU© Shuang Tan

Contact

Svetlana Mintova
Chercheuse au Laboratoire de catalyse et spectrochimie (CNRS/ENSICAEN/Université de Caen Normandie)
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC