Première observation d’un empilement super-dense de molécules d’hydrogène sur une surface

Résultats scientifiques

Dans un article paru dans Nature Chemistry, des scientifiques*, dont du Laboratoire de catalyse et spectrochimie (LCS - CNRS/Université de Caen Normandie/ENSICAEN), décrivent la formation d’une monocouche super-dense d’hydrogène sur de la silice mésoporeuse hautement ordonnée près de la température d’ébullition. Les études théoriques et les simulations confirment les observations expérimentales de la densité d’hydrogène inhabituellement élevée dans la couche adsorbée qui devrait considérablement augmenter la capacité volumétrique des systèmes de stockage d’hydrogène cryogénique.

L'hydrogène (H2) est actuellement considéré comme un vecteur énergétique prometteur dans un monde nécessitant des énergies renouvelables. En effet, il présente la densité d'énergie la plus élevée de tous les carburants chimiques (141 MJ/kg), soit trois fois plus que l'essence (46 MJ/kg). Cependant, sa faible densité volumétrique limite son utilisation généralisée dans les transports par exemple, car les options de stockage actuelles nécessitent beaucoup d'espace. A température ambiante, un kilogramme d'hydrogène gazeux occupe un volume de 12 000 litres (12 mètres cubes)…

Dans les véhicules à pile à combustible, l'hydrogène est stocké sous très haute pression (700 fois la pression atmosphérique) où il devient liquide, ce qui réduit son volume à 25 litres par kilogramme de H2. Mais l'hydrogène liquide nécessite des températures extrêmement basses puisque son point d'ébullition de l'hydrogène est de moins 253 ° C.

Des équipes de scientifiques* viennent de montrer que l'hydrogène pouvait se condenser sur une surface à très basse température, près du point d'ébullition, formant une monocouche super dense dépassant la densité de l'hydrogène liquide d'un facteur de près de trois, ce qui réduit le volume à seulement 5 litres par kilogramme de H2. Résultat surprenant car deux fois plus de molécules H2 que d'atomes du gaz noble argon couvrent la même surface alors que les deux atomes sont à peu près de la même taille. Les scientifiques constatent que les molécules H2 se serrent étroitement les unes contre les autres pour former cette couche super dense. Des expériences de cryo-adsorption à haute résolution sur de la silice mésoporeuse hautement ordonnée présentant des caractéristiques de pores et de surface bien définies ont permis de déterminer le nombre de molécules condensées à la surface du matériau, et la diffusion inélastique des neutrons leur a permis de suivre la formation de cette couche d'hydrogène bidimensionnelle, confirmant pour la première fois in situ, l'existence de cet hydrogène super dense.

Des études théoriques confirment les observations expérimentales de la densité d'hydrogène anormalement élevée dans la couche adsorbée. Les scientifiques expliquent ce phénomène par les forces d'attraction de la surface bien plus fortes que la répulsion entre deux molécules d'hydrogène, entrainant un empilement d'hydrogène super dense sur la surface de silice mésoporeuse. Au-delà de l’intérêt fondamental que présente la formation de cette couche d'hydrogène super dense à basse température près du point d'ébullition est d'un intérêt fondamental, ce résultat ouvre également des pistes pour améliorer la capacité volumétrique des systèmes de stockage d'hydrogène cryogénique dans les nombreuses applications qu’il pourrait rapidement trouver dans le domaine des transports.

* Ce travail est le fruit d’une collaboration entre l’Institut Max Planck pour les systèmes intelligents, la Technische Universität Dresden, la Friedrich-Alexander-Universität Erlangen-Nürnberg, le Laboratoire national d’Oak Ridge et le Laboratoire catalyse et spectrochimie (CNRS/Université de Caen Normandie/ENSICAEN).

© Rémy Guillet-Nicolas

Référence

Rafael Balderas-Xicohténcatl, Hung-Hsuan Lin, Christian Lurz, Luke Daemen, Yongqiang Cheng, Katie Cychosz Struckhoff, Remy Guillet-Nicolas, Gisela Schütz, Thomas Heine, Anibal J. Ramirez-Cuesta, Matthias Thommes & Michael Hirscher
Formation of a super-dense hydrogen monolayer on mesoporous silica
Nature Chemistry 2022

Contact

Rémy Guillet-Nicolas
Chercheur au Laboratoire de catalyse et spectrochimie (CNRS/ENSICAEN/Université de Caen Normandie)
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC